J’aime ici, dans notre enclave pennsylvanienne, l’équilibre de nos soirées, les alternances et les harmonies qu’elles permettent. Ce soir, seule avec les enfants, je prépare un dîner semi-japonais, fais la vaisselle, le tout dans une longue paix – l’entropie et les cris réduits au minimum.
Je m’accoude à l’îlot en chêne de la cuisine, allume le haut-parleur, sélectionne un morceau. Cela m’arrive rarement, de ne rien faire, juste de m’arrêter et d’écouter la musique.
A. est en train de se préparer pour se coucher, il me glisse : « Maman, tu écoutes toujours le même Nocturne de Chopin. »
Son : non pas le Nocturne en question, mais Carnaval, Op. 9 : XII. Chopin (1834, interprété par Daniil Trifonov, 2017), écrit par Robert Schumann en évocation à Chopin. Le premier vouait une grande admiration – non réciproque – au second. Quelle vie, ce pauvre Schumann, entre la longue lutte pour pouvoir se marier avec celle qu’il aime (Clara), les acouphènes et les hallucinations musicales sur la fin, terminer sa vie à l’asile après s’être jeté dans le Rhin en pantoufles.