L’appel

Tout est juste. Le grondement des trains sur Manhattan Bridge, la lumière de fin du jour qui tombe sur la verticalité de la ville, les flots de voiture et leurs phares comme les guirlandes le long du bras de mer.

Dès la sortie du métro à Manhattan, il faisait gris, froid, la foule et la densité minérale, la saleté des rues et les errances de gens bizarres, le bruissement montant et descendant de la ville, les touches de Noël comme des niches de féerie et d’irréel, c’était parfait. J’ai dit aux enfants : c’est exactement ça, New York, et ils avaient de grands yeux prêts à tout boire, des petits pieds prêts à marcher des heures sans se plaindre. J’étais dans cette euphorie contagieuse, et la journée a été un miracle, du début (en meeting dans les toilettes) à la fin (à écrire dans les toilettes).

Il y avait entre P. et moi une résonance scintillante, celle de ces grandes villes au bras desquelles nous nous sommes construits, main dans la main, écharpes contre écharpes, notre amour commun pour le froid citadin, les ficelles de lumières courant les journées courtes, nous nous regardions et savions que nous ressentions ce même appel. Nous savions très bien que, comme Chicago, comme Londres, comme Paris, New York est une ville qui ne se visite pas, mais qui se vit. Mon cerveau, toujours en quête de frénésie et de nouveaux rêves semi-idiots, saute sur le challenge et commence à y réfléchir…