Je ne sais pas si j’arrêterai un jour de me sentir ridiculement privilégiée à chaque fois que je grimpe les marches de pierres et pousse la porte de mon laboratoire d’astrophysique. Lorsqu’on a rêvé si fort d’en faire partie et qu’on a eu mal à différents endroits pour en arriver là, le sentiment d’irréalité subsiste encore, plusieurs décennies plus tard.
En comparaison, pousser la porte de ma maison d’édition est une aventure nouvelle, qui me fait légitimement retenir mon souffle à chaque incursion. Dans le hall d’entrée, les portraits des grands auteurs m’observent, peu rassurants. Je demande mon éditeur à l’accueil et attends qu’il descende me secourir avec ses yeux très bleus.
Pour meubler ce moment, je me rends aux toilettes : minuscules toilettes n’accommodant qu’une seule personne, avec un sas-lave-mains. Au moment où je pousse la porte, surgit une femme. Regard dur, rouge à lèvres carmin et longue natte noire dans le dos, une sorte de Mercredi en mode cinquantenaire. Elle est surprise, moyennement ravie de se trouver nez-à-nez avec moi dans cet endroit exigu et privé. Je marmonne : « Pardon… » et la laisse sortir. Une série de couvertures et de titres s’imposent et défilent immédiatement dans l’avant-plan de mon cerveau : La métaphysique des tubes, Stupeurs et tremblements…
Quel meilleur endroit que les toilettes pour croiser Amélie Nothomb ?
Une réflexion sur « Les toilettes comme un roman »
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