Pennsylvania Song

Longues longues routes entre les collines pennsylvaniennes enneigées, longues longues rues bordées de maisons de briques aux portes colorées, longues longues bourrasques de vent glacial, dans de longues longues conversations qui s’étirent, vont et viennent, dans des lampées de café ; quelque chose, comme un temps gris et une musique langoureuse, longue nuit, de mots et de mots, dans des compte-gouttes aux paupières closes, le grand rectangle des rêves aux draps vierges. Semi-inconsciente, je lançais dans des paniers de basket des pommes-neutrinos vertes, je pensais à Delphine Seyrig et sa robe rouge, à la succession des voix off qui disent et ne disent rien, au phénomène confus de la contemplation, à la profondeur bouleversante de l’ellipse. Au matin ma robe noire, mes cheveux mouillés, et cette petite tache de peau blanche au-dessus du genou gauche de mon bas de cachemire, l’accroc de la boucle de ma botte quand j’ai croisé les jambes. Le soir, N. me confie tant de choses qui lui sont apparues et qui me remuent, et sur moi, elle me demande : « Electre, qu’essaies-tu de sauver exactement ? »

Son : toujours cette antienne, mais cette fois-ci entonnée par la voix rauque de Jeanne Moreau, composée par Carlos d’Alessio, India Song, 1975, dans la BO du film éponyme, par Marguerite Duras, basé sur son roman Le Vice-Consul.

Paul Cambo et Renée Devillers dans Electre de Jean Giraudoux, au Théâtre de l’Athénée, Paris, mai 1937. Photo Roger Viollet.