Nancy Huston, toujours dans des thématiques et des propos d’une résonance phénoménale, dans un essai qui se dévore comme un petit roman. Il s’agit justement du roman dont elle parle. Du fait que nous sommes, Humains, dans la fiction dès l’instant zéro, à partir du moment où nous nommons, où nous cherchons un sens à ce qui se passe, dès la conscience de notre existence. Nous fabulons, et c’est un véritable pouvoir – pas seulement restreint aux écrivains.
Vous fabulez, en toute innocence. Par les mêmes procédés qu’emploient les romanciers, vous créez la fiction de votre vie.
— Nancy Huston, L’Espèce fabulatrice, 2008
Son texte va dans le sens des titres anaphoriques de mes billets : « La vie comme un roman ». Et l’autre idée qui m’a toujours été chère qu’elle argumente, est que oui, cette vie est un roman, et nous avons le contrôle du personnage que nous y développons. Nous pouvons le jouer et écrire notre vie.
[Les personnages de roman] nous donnent de la distance précieuse par rapport aux êtres qui nous entourent, et – plus important encore – par rapport à nous-mêmes. Ils nous aident à comprendre que nos vies sont des fictions – et que, du coup, nous avons le pouvoir d’y intervenir, d’en modifier le cours.
Elle conclut, après avoir, d’un paragraphe bien senti, envoyé au tapis Schopenhauer, Bernhard, Houellebecq et leur nihilisme :
La vie a des Sens infiniment multiples et variés : tous ceux que nous lui prêtons.
Notre condition, c’est la fiction ; ce n’est pas une raison de cracher dessus.
A nous de la rendre intéressante.
Je répète, pour ceux au fond à côté du radiateur qui ne suivent pas : la vie est un roman, à nous de nous rendre disponibles et la rendre intéressante.