Wadmalaw Island

Sur des dizaines de kilomètres, la route est un tunnel de chênes qui s’embrassent, enguirlandés de grappes de Spanish moss, dans une enfilade de verdure gris sombre, à mi-chemin entre la profondeur et le fantomatique. Sur des dizaines de kilomètres, les bas-côtés sont noyés d’eau noire, les marécages émeraude alternent avec des grandes demeures à colonnades et les mobil homes rouillés. Tout au bout, au bout des terres et du monde, on débouche sur des langues de mer, et cette cabane de pêcheurs de tôle et de cordages, à l’eau salée tapissant le béton ; j’y dépose mes ballerines avec précaution, et troque un sac de crevettes pêchées du matin contre un billet.

Leur goût sucré, la fraîcheur de leur texture croquées sous la dent, lorsqu’on leur fait la fête, tous les quatre face aux lampées de mer, à les éplucher et les déguster crus, seuls au bout du monde sur une passerelle de bois. Le bonheur parfois a le goût de crevettes crues. Je prends note que pour atteindre le niveau supérieur, je devrais toujours me balader avec une fiole de sauce de soja et un pochon de zestes de yuzu.

Cherry Point Seafood, est. 1933, sur Madmalaw Island, mars 2024.