The Tortured Poets Department

Pour faire semblant d’être moderne, et puisqu’elle est pennsylvanienne, j’écoute le nouvel album de Taylor Swift. Musicalement, même si c’est agréable, dans une certaine retenue et bien fait, on a un peu l’impression qu’on a écouté toutes ses chansons quand on en a écouté deux. Par contre, on a beau la fustiger parce qu’elle est devenue un phénomène mondial, on ne peut pas nier le viscéral et la poésie dans son texte.

You left your typewriter at my apartment
Straight from the tortured poets department
I think some things I never say
Like, “Who uses typewriters anyway?”
But you’re in self-sabotage mode
Throwing spikes down on the road
But I’ve seen this episode and still loved the show
Who else decodes you?
[…]

I laughed in your face and said
“You’re not Dylan Thomas, I’m not Patti Smith
This ain’t the Chelsea Hotel, we’rе modern idiots”

— Taylor Swift, The Tortured Poets Department, 2024

Chaque chanson est comme une petite nouvelle, et en quelques vers elle réussit à vous propulser dans le parfum entêtant de la scène et dans une émotion qui colle et qui racle. Il n’est question que de relations folles et impossibles, d’histoires avortées et tristes, et c’est beau. Je crois même que je suis envieuse – j’aurais aimé pouvoir les écrire, les lignes de cette chanson-là, pour l’usage des mots désuets et la diction qu’ils permettent, et si c’est issu d’un vécu… qui jamais laissera une machine à écrire chez moi, et à qui pourrais-je jamais dire : “You’re not Dylan Thomas, I’m not Patti Smith / This ain’t the Chelsea Hotel, we’rе modern idiots,” c’est juste magnifique.

Séduite aussi par le rythme punchy électro de I Can Do It With A Broken Heart, et le récit de la façade à afficher pour donner le change. Je crois que c’est probablement là que l’on peut mesurer sa force : quand on sait taire toute la merde et faire ce qu’il faut faire avec le sourire. Et l’un des story-tellings les plus touchants, c’est le moment où l’on dévoile l’arrière-scène, quand, après avoir justement brillé sans se morceler un seul instant, on confie au détour d’une chanson intimiste, avec dérision, qu’on en a chié jusqu’au sang.

Je salue qu’à de tels sommets, quand on fait la pluie et le beau temps politique et économique, avec une telle pression de réussite, les regards l’attendant au tournant, qu’on réussisse à sortir quelque chose d’aussi réel, qu’elle ait su garder sa saveur.