Au bureau, dans le domaine du château de Sissi

16/08/24. Tout est désuet et charmant, loin d’un Hilton, mais ce n’était justement pas le but. Quand je demande du lait d’avoine pour mon café au bar, la serveuse se demande si je suis sérieuse. Ma Normandie – le pays de Caux, que je partage avec Arsène Lupin, je ne l’ai pas trouvé changée, c’est heureux, sauf peut-être ces longues rangées d’éoliennes offshore floues à l’horizon. Il faudrait les rajouter sur les tableaux de Monet. Les falaises qui continuent leur érosion et l’herbe fouettée, toujours, par le vent, surfé par les goélands, le fond frais de l’air, et ces maisons, de brique et de silex, à géométriques colombages. Nous dégustons des homards et des andouilles sur la plage, j’édite des chapitres et P. programme des analyses, sur un grand drap, nos jambes torturées par les galets. Dans le domaine de Sissi, les arbres bicentenaires bruissent et scintillent, nous sommes seuls comme si nous étions un temps les propriétaires. Dans la nuit, sur la terrasse, pendant que les serveurs débarrassent et préparent les tables du restaurant gastronomique, je relis une énième fois le premier article de la collaboration G., je lis les dossiers des autres, je travaille pour les autres, je travaille pour moi-même. Je dis environ mille fois pendant les deux jours, dans un dégoûtant accès d’auto-satisfaction : « On a tellement bien fait d’aller aux US. Ça nous a fait un bien fou. On s’est réinstallés sans aucun accroc. Tout va bien. On est vraiment doués dans la vie, quand même. »

Son : Alexander Borodin, Prince Igor, Acte II, Les danses polovtsiennes, Royal London Philharmonic Orchestra, dir. Sir Thomas Beecham, 2005.

Château de Sissi, Sassetot-le-Mauconduit, août 2024