Au bureau, au Rose Reading Room

New York. J’ai un peu plus de trois heures devant moi avec cette ville, immédiatement j’aimerais m’y noyer. À la sortie de Penn Station, d’avenue en avenue, la crasse, la brique, les aciers, quelque chose de viscéral et les foules qui passent sans se saisir, anonymes et réelles. Quand je penche la tête pour finir mon cappuccino, l’implacable géométrie des pierres sur un ciel métallique. Il fait un temps éclatant, la fraîcheur de Bryant Park, l’odeur âcre des bouches du subway, le battement du monde dans une ville sans sens, sans dimension, le corps à corps des classes sociales, je respire et regarde tout ce que je peux, j’appelle P. : « Un jour, il faudra absolument qu’on vienne vivre dans cette ville. »

Je ne comprends pas la flopée de touristes qui visitent le Public Library à travers leur téléphone, déambulant dans les couloirs comme dans un musée. Je court-circuite tout le monde, annonce tranquillement au gardien de la Reading Room que je souhaite travailler, ce qui me permet de remplir des âneries administratives du CNRS et lire les derniers progrès sur l’accélération de particules dans les supernovae, dans un cadre majestueux. Toujours ma façon d’accéder à la fibre intime d’un lieu : d’en faire momentanément mon bureau.

Bande originale : Emett Cohen, Dardanella.