Sleep is overrated

P. et moi préparons des planches pour notre présentation en duo jusqu’à deux heures du matin. Enfin nous allons installer la suite de notre prototype : quatre-vingts antennes, puis deux cents d’ici fin 2024 dans le désert de Gobi. P. a travaillé d’arrache-pied cette semaine pour optimiser leurs positions, leur géométrie au sol, leur écartement. Heureusement, cela faisait deux ans que lui, M. et moi étudions cette question, développions des outils et les arguments pour le jour incertain où l’on nous proposerait un site géographique. La visite de O. et de notre délégation en Chine a tout débloqué. Les officiels nous offrent leurs terres et nous demandent de fournir les positions exactes des antennes en six jours. Je ne peux que nous féliciter d’avoir tout mis en place en amont pour réagir efficacement et intelligemment. À la réunion-visio, notre proposition est solide, étayée par la science, par nos objectifs techniques, les contraintes de terrain, de bruit ambiant radio, de politique. Je me dis : c’est beau quand la science, les gens et les projets se réunissent pour tomber si juste.

Nous enchaînons les réunions ; j’échange en douce par chat une série de bêtises avec O., un peu comme sur les bancs d’école. Au bout d’un moment, je lâche :
« J’en peux plus là. Pas beaucoup dormi, alors le catalogue des boulons, ça va pas passer…
—  J’imagine bien. J’ai l’impression que tu dors 5h par nuit en ce moment, toi, non ?
— À peu près. Et toi ?
— Pas beaucoup plus, genre 6h.
— Ouais. Et ça fait un an qu’on fait ça…
— Oui, mais R. [sa compagne] est en train de me faire la guerre… Ça la saoule grave.
— C’est pas top pour la santé non plus, c’est sûr. »
Je commence à écrire : « Mais y’a tellement de choses à faire et qu’on veut faire ! » mais O. me devance. Sa ligne apparaît avant la mienne :
« Mais c’est un moment excitant, là ! »

Je souris et lui écris plutôt :
« Tu vois, c’est pour ça que j’aime bosser avec toi. »
O. met d’abord un cœur bien rouge sur ma phrase, puis :
« Parce que je dis de la merde par chat ?
— Voilà, pour ça. »