Françaises pyromanes et écorchées

Transportée, soufflée, arrachée par deux découvertes musicales cette semaine. Que c’est beau, le français, déposé comme des cailloux sur des portées et dit avec une précision et une justesse écorchées. [Merci L.]

Clara Ysé : sa voix de magicienne lyrico-urbaine et ses textes pyromanes que je n’arrive plus à m’empêcher d’écouter, toute la journée, toute la nuit, une sorte de drogue d’univers. Tout, jusqu’à la couverture de l’album est un ciselage, de syllabes, de notes et d’images. Et ça me déchire à l’intérieur jusqu’à faire juter les larmes.

Deux rubis dans cet écrin à bijoux : Douce, Le monde s’est dédoublé.

Ce matin il est arrivé une chose bien étrange
Le monde s’est dédoublé
Je ne percevais plus les choses comme des choses réelles
Le monde s’est dédoublé
[…]
J’ai accueilli un ami, qui m’a pris dans ses bras
Et m’a murmuré tout bas
Regarde derrière les nuages il y a toujours le ciel bleu azur qui, lui
Vient toujours en ami
Te rappeler tout bas que la joie est toujours à deux pas
Il m’a dit : prends patience, mon amie, prends patience
Vers un nouveau rivage ton cœur est emporté
Et l’ancien territoire t’éclaire de ses phares
Et t’éclaire de ses phares

— Clara Ysé, Le monde s’est dédoublé, in OCEANO NOX, 2023

Zaho de Sagazan : plus pulsé et torturé, voire tordu, mais ces textes égrenés comme une raison de survivre, un phrasé au rythme addictif et d’une poésie viscérale. Idem, impossible de m’arrêter de l’écouter, ça colle dans la nuque, et j’en reveux, encore, encore, pour l’abrasion des sens et des émotions.

Deux météorites dans cette capsule lunaire : Tristesse, La symphonie des éclairs

Qui va là, tristesse
Vous ne m’aurez pas ce soir
J’ai enfin trouvé la sagesse
Et désormais les pleins pouvoirs
Quelle audace de me faire croire
Que je ne suis qu’un pauvre pantin
Manipulé par vos mains
Dégueulasses de désespoir

— Zaho de Sagazan, Tristesse, in La symphonie des éclairs, 2023