Saint-Saëns au CSO

Au cœur de cette joyeuse effervescence scientifique, j’avais besoin de mon shot culturel de haute volée. Alors, la veille de mon départ pour une grande conférence à Chicago, quand je vois qu’ils jouent le Concerto pour piano “Egyptien” de Saint-Saëns au CSO*, je ne me pose pas de questions. Je m’échappe de la réception d’ouverture et m’installe au premier rang d’un balcon – avec le délectable frisson de briser tous les codes socio-professionnels.

Je n’aime pas les manières de Thibaudet, sa dégaine, son costume et ses chaussures à paillettes… mais sa musique et sa technique… J’ai Aldo Ciccolini en tête pour ce concerto depuis l’adolescence, mais [est-ce parce qu’il a été son élève ?] je retrouve ce soir des couleurs de son interprétation. Il suffit de fermer les yeux sur la posture un peu bling bling et le romantisme coloré mais retenu coule, rouge, tendre, puissant.

Pendant une demie heure, j’ai la main sur les lèvres, et je pleure, je pleure, pour chaque note, chaque instrument qui entre dans la lumière, pour chaque cascade de piano et les vents, en caresses et en bouleversements.

* Beau programme français au CSO : découverte de Lili Boulanger (sœur de Nadia) avec D’un matin de printemps, délicat et merveilleux ; après l’entracte : Iberia de Debussy, puis enfin le Boléro de Ravel qui en live reprend sa noblesse, avec Jean-Yves Thibaudet au piano, et le CSO sous la direction de Stéphane Denève.

Son : Camille Saint-Saëns, Concerto pour piano No. 5, “L’Egyptien”, interprété par Aldo Ciccolini et l’Orchestre de Paris, dirigé par Sergio Baudo. Il faut écouter les trois mouvements, qui sont chacun des perles. Dans ce premier mouvement, vers la minute 8:18, ne me dites pas que quelque chose ne picote pas en vous.

David Roberts, Egypt, 1868.

Nit-a-Nee* Spirit

C’est très bizarre cet assèchement de mots soudain. Cette inutilité que je ressens à m’exprimer ici. Ma non envie absolue d’effleurer le texte de mon livre. La Pennsylvanie est chaude et humide, mais la forêt n’a pas le même parfum que celui des montagnes de Nanjing. Tout me semble obsolète : les musiques d’il y a quelques semaines, celles d’il y a un an. J’arpente les collines de la ville, de café en bureau, d’école à notre maison américaine, parfois je suis heurtée par une odeur, une couleur à l’ombre des feuillages, quelque chose qui me rappelle mon arrivée l’été dernier. Quelle étrange année ça aura été. Ces deux derniers mois, c’était un véritable « sabbatique académique », éloignée des tracas administratifs, les mails et les fils de discussions s’éteignant vers midi, mes longues plages d’après-midi et mes nuits à lire encore et encore, des papiers, des bouquins de physique, des pages Wikipédia, à triturer des données, à enfin comprendre des notions de science et aussi de son Histoire, à écrire bien sûr, tous ces chapitres, à délirer dans des mondes parallèles. La science est restée, l’écriture s’est évaporée. Que suis-je devenue cette année ? Je crois que la Pennsylvanie et son décalage horaire m’a sauvé d’un burn-out, m’a reconstituée à moi-même, j’ai tout arrêté : les contraintes sociales, les enfants, les ennuis, la perfection… Il faudrait, en retournant à Paris, réussir à conserver cette porte fermée. Ne pas m’engager dans cette frénésie et la surenchère d’activités, cette optimisation insupportable du temps. Il faudrait arriver régulièrement à couper tout réseau et ne plus être disponible qu’à moi-même. Au fond, étrangement, j’ai confiance que les choses se mettent en place de façon différente, que l’équilibre se pose dans notre vie, car la quarantaine nous a fondamentalement changés dans notre état d’esprit. Ou alors c’est la Pennsylvanie.

Son : Judy Kuhn, Just Around the Riverbend, in Pocahontas, The Walt Disney Company, 1994.

*Il se conte dans ces vallées boisées des histoires sous multiples variantes d’une princesse Indienne prénommée Nit-a-Nee, toujours des histoires d’amour tragiques, de clans et de luttes contre les éléments, le chuchotis du vent, des montagnes, et un lion.

Les dream-catchers de Carolina Caycedo: Spiral for Shared Dreams au MoMA, NYC

Une semaine à Nanjing

Souvenir de Nanjing, mai 2024

Au lendemain de mon arrivée, dimanche à 6h, sur le sol devant la salle de bain, j’hésite entre le rire et l’atterrement. Urgences en solitaire : rien de cassé, poignet foulé. Cataplasme anisé couleur excrément : médecine chinoise. La veille, cette post-doctorante qui vient me chercher à l’aéroport, puis invitée à dîner et présentée aux professeurs par Z., comme si j’étais une personne importante. La réunion de collaboration G., nous la menons épaule contre épaule avec O., dans notre connivence parfaite, nous atténuons ou résolvons ce qu’il y a de tensions, l’un et l’autre chacun de notre côté, et bien sûr ensemble avec nos sensibilités combinées – et cinq heures de sommeil par nuit. Les résultats présentés pendant la semaine (dont une bonne fraction produite par P. – je glisse à O. : avec vous deux, je suis doublement bien mariée !) donnent l’ampleur de la marche franchie, et l’enthousiasme est contagieux quelle que soit la culture. Ma virée à l’hôpital en solo m’a valu le respect des collaborateurs chinois, alors quand je leur dis que je n’ai pas peur du désert, de ne pas me laver, du trou en guise de toilettes, du froid et des planches dures, mais que je ne veux pas partager de dortoir avec O. (et cinq autres collègues), ils ont l’amabilité de ne pas me taxer directement de précieuse. Au banquet, Z., passablement ivre, vient me balancer de doux éloges – qui vont dans le sens de la « déesse autoritaire et bienveillante ». Amusant contraste, au moment des adieux, Pf. me sort : « Quelle chance d’avoir une personne aussi nice que toi à la tête de cette collaboration. Et entre asiatiques, on se comprend si bien. » Moi qui craignais une réserve liée à mes origines japonaises, en particulier à Nanjing, soulagée de voir que mes collègues ne m’ont pas étiquetée des horreurs historiques passées.

À l’aéroport, Z. m’écrit encore de très jolies choses. Et il termine sur une capture d’écran. « Je voulais afficher ça pendant la réunion, mais je n’en ai pas trouvé l’occasion. Je te l’envoie à toi. » J’embarque pour une longue série de vols, avec une radio du poignet comme souvenir imprimé, et les larmes aux yeux. C’est une citation de Confucius :

Recevoir la visite d’amis venant de loin, n’est ce pas le plus grand bonheur ?

Obsolescence programmée

Couverture de Constantine Balanis, Antenna Theory, 1982

À l’université, je vais directement à l’imprimante. Je serre contre moi cette liasse de pages. Je ne veux pas les lire, je les range au fond de mon sac. Mon Antenna Theory pèse une tonne sur mon épaule. Je me pose dans un café, j’en grignote des chapitres et lis des papiers sur le beam-forming ; avec un étudiant, je m’engouffre dans les données prototypes à la recherche de bruit galactique. Je ne veux pas m’arrêter – et puis aussi, je plonge tête la première dans la préparation de la grande messe annuelle de la collaboration G.

Je me disais : j’ai écrit ce que je voulais. Trente-cinq ans que je voulais écrire. Et finalement, pas besoin d’un roman ; ce livre, c’est ce qu’il fallait cracher, il me ressemble aujourd’hui dans mon entièreté. Me voilà satisfaite. C’est comme si une case était cochée et que mon cerveau était passé à autre chose. J’ai envie de faire autre chose maintenant, quelque chose de nouveau que je n’ai pas encore touché.

Cette obsolescence programmée, je ne sais qu’en faire. J’aurais pourtant cru que l’écriture était ancrée en moi comme une identité. Mais même revenir ici ne m’intéresse plus tant. Est-ce que je vais mettre ma plume dans cette boîte à souvenirs de ce-que-j’ai-touché-et-ne-suis-plus ? J’attrape, je touche tout ce qui passe, m’intéresse et connecte aux domaines, aux choses, aux gens – mais je ne suis éternellement que de passage. Où est-ce que ça me laisse ? Dans quel monde ? Quel intérêt ? Et que serai-je ? Aurai-je jamais une quelconque consistance, un corps – ou serai-je pour toujours cette coquille superficielle, fausse et vide ?

Son : Stacey Kent & Quatuor Ébène, Sting, Fragile (Arr. for String Quartet And Vocals), in Brazil, 2014

Boréale

22h30. Je découvre les nouvelles. Je bondis hors de mon lit où, en pyjama, je m’étais installée pour écrire quelques lignes de mon chapitre. Nous réveillons les enfants, leur enfilons un pull, leur doudoune, les embarquons dans la voiture ; au matin, A. me dit qu’il a rêvé qu’on était partis à la chasse aux aurores boréales, que nous avions roulé longtemps dans la nuit, dans les forêts et les montagnes.

Les nuages blanchissent le ciel, illuminé à l’horizon par notre petite ville universitaire. Il pleut par intermittence. Ce serait un miracle que nous voyions quoi que ce soit.

Mais les miracles, ça nous connaît, P. et moi. Alors, lorsque j’applique mon iPhone sur l’obscurité, vers la trouée entre les arbres, au nord, sur notre crête, les photons violets emplissent mon écran.

J., à qui j’envoie mes quelques prises, me parle de Rothko et du mystère de mes images, ce qui finit de les sublimer. Ce qu’elles contiennent, surtout, c’est ma surprise au moment de leur révélation. Elle n’ont aucune qualité, je n’ai même pas cherché à les stabiliser, mais l’étonnement imprimé est leur intérêt.

Dans la voiture, ensuite, alors que nous roulions sans succès à la recherche d’une éclaircie, je faisais remarquer à P. que ça faisait un sacré paquet de photons tout ça, pour que ça diffuse, même à travers les nuages, et que ça emplisse la surface minuscule qu’est le capteur de mon iPhone. « Alors que nous, on cherche à détecter 3 neutrinos de ultra-haute énergie. Et même un seul, ce serait la folie. »

Son : Peter Gregson, Time, in Touch, 2015

Aurores boréales en Pennsylvanie, 10 mai 2024 © Electre

Magnifique Hilary

Quand je retrouve le concerto pour violon de Sibelius au détour d’un entretien sur France Musique avec Hilary Hahn, c’est une triple sensation de retour dans des bras chers, un embrassement qui va à l’embrasement. J’aime dans Hilary Hahn cette intelligence fougueuse et gracieuse. On la sent terriblement cérébrale, mais avec cette amplitude culturelle et une sensibilité parfaitement dosée. Avec elle, on peut se laisser emmener dans des tréfonds musicaux et ré-émerger nourrie, pleine d’allant, mais les pieds sur terre. C’est ça bien sûr qu’il faut viser dans la vie – ces dernières semaines, je me suis perdue dans les petitesses et les insécurités, il faut pourtant toujours être dans l’aventure et la grande humanité, retrouver quelque part la certitude et l’éternelle motion.

Son : Jean Sibelius, Concerto pour violon, Op. 47 : III. Allegro, ma non tanto, interprété par Hilary Hahn et le Swedish Radio Symphony Orchestra, dirigé par Dieu, pardon, Esa-Pekka Salonen. Et j’adore le commentaire si nature de Hilary Hahn sur ce mouvement « C’est fun, c’est si rock. »

Hilary Hahn interprétant Sibelius, au CSO, 2019

Chandra again and again

Me voici en train de reprendre mon chapitre Chandra pour la énième fois.
Il y a des chapitres maudits, comme ça.

Prête à tout ré-écrire, j’ai essayé de me ré-imprimer le contexte dans l’esprit. Son bateau, sa masse stellaire limite, sa mère malade… Bizarrement, ça ne résonne pas du tout. L’autre bio historique que j’ai faite est celle de Karl Schwarzschild. Je me dis : ce que j’ai fait avec Karl, je devrais pouvoir le faire avec Chandra ?

Et je finis par comprendre pourquoi je n’y arrive pas. Chandra est trop droit. Trop pieux, trop fils modèle, trop parfait, trop végétarien, trop dans une culture qui ne me parle pas du tout. Sa droiture et son élégance sérieuse, sa dévotion pour sa famille, la façon dont il économise en ne mangeant que des patates bouillies et s’en contente, je trouve tout ça remarquable – mais personnellement, je n’accroche pas.

J’étais tombée amoureuse de Karl, ses yeux pétillants, sa joie débordante, ses petites blagues au détour des tranchées, son envie de tout saisir, sa vie passionnée et tragique. Chandra me met mal à l’aise de bienveillance, de rigueur, de retenue, de sa promesse tenue à son père de rester digne de sa culture.

J’ai écrit Chandra dans la peur que les gens qui l’ont connu trouvent son personnage mal cerné. J’ai écrit Karl avec le cœur, l’envie profonde en moi de transmettre son message de joie et de folie.

Il va tout de même falloir trouver une façon de mettre sa science en scène, de lui faire honneur en filigrane, et que l’ensemble atteigne une certaine vibration. C’est presque comme un jeu d’actrice…

Subrahmanyan Chandrasekhar

Le rivage de Zelda ou La légende des Syrtes

The Legend of Zelda, sur NES, 1986 (!). Évidemment, il fallait penser à brûler les buissons…

Dans mes pérégrinations musicales aléatoires, je tombe sur la B.O. de La légende de Zelda [ne me demandez pas d’où je suis partie pour que ce titre me soit proposé]. C’est amusant, la madeleine que représente cette mélodie simple, composée pour l’horrible son électronique de la NES. Tout de suite, on se retrouve projeté dans ce monde de quête, entre les buissons magiques et les murs de châteaux. À l’époque, les pixels étaient rares et pourtant, l’imagination de chacun terminait l’Univers. Finalement, c’était un peu comme un iceberg.

J’écoute donc l’ensemble de l’album alors que je travaille des bricoles chiantes de mon livre : les concordances de temps, les répétitions*. J’ouvre Le Rivage des Syrtes pour vérifier une citation, et la plongée dans ces pages avec la bande son dans les oreilles me perturbe au plus haut point.

C’est certainement un peu trop héroïque au goût de Gracq, mais il y a probablement des lignées similaires. Deux créations si lointaines sorties du chaudron commun d’une civilisation en quête de fantaisie. Le médiéval et la magie se retrouvant propulsée sur l’avant-scène par les romantiques, dont Wagner au premier rang. De là naissent le Rivage – Gracq a été profondément marqué par le compositeur dans sa jeunesse, le décrivant comme l’une de ses rencontres fondatrices. Tolkien a, je crois, nié l’influence de Wagner, mais il est difficile de ne pas repérer des points communs (une histoire d’anneau, pour commencer…). Gracq évoque Tolkien dans ses Noeuds de vie. Leur démarche est très différente mais ils se rejoignent dans l’Univers.

Et Zelda, dans tout ça, est évidemment inspiré de Tolkien, raconte son créateur Shigeru Miyamoto. Zelda, certes damoiselle en détresse dans la plupart des volets, a la particularité intéressante d’avoir été prénommée d’après la romancière américaine Zelda Fitzgerald. Oui, celle qu’on a enfermée dans une clinique psychiatrique avec interdiction d’accès à tout papier ou crayon, pour qu’elle se suicide finalement. Je l’ai citée quelques fois dans ces pages.

Deux questions : quel est le pourcentage de joueurs, ou même de fans, qui sont au courant de ces sources** ? Et l’autre, plus intéressante : si jamais, une fois mon livre terminé, je me mets à jouer au dernier Zelda, est-ce que ça va faire un trou de six mois dans mes recherches ?

*Lorsque vous faites une recherche systématique de « extrêm » et que ça vous envoie 29 occurrences, qu’il faut donc les remplacer une par une par des synonymes ou tournures différentes, que les synonymes en question ont une occurrence de 14…

**Je trouve ça fascinant, les chemins que peuvent prendre les différentes influences culturelles pour atterrir dans les recoins les plus inattendus. Je me demande aussi quel est le niveau intellectuel et culturel des gamers en général.

Son : L’Orchestra Cinematique, The Legend of Zelda – Main Theme – Epic Version, in The Legend of Zelda: Epic Collection, 2021

Une philosophie de vie

Longtemps, je n’avais rien à dire, je ne comprenais rien, tout était embrumé, je n’étais qu’impostrice dans une toute petite fenêtre, et toute cette insécurité me fermait à la science qui n’était pas mon propre jardinet, que je faisais semblant de mépriser, c’était plus facile. Que s’est-il passé ? J’ai travaillé avec des gens de tous horizons, j’ai décidé de sortir de cette zone de confort, de faire de la radio, d’aller dans les déserts visser des boulons et lire des oscilloscopes, j’ai décidé d’encadrer des étudiants merveilleux sur des sujets aventureux que je ne maîtrisais pas, j’ai joué avec les données G., O., inlassablement, a répondu à mes questions stupides, j’ai passé un an et demi à écrire ce livre, et j’aime tellement le fait que ma fenêtre sur la science, sur la vie, s’ouvre toujours un peu plus grand.

Et cela me fait apprécier encore plus l’étendue vertigineuse de mes méconnaissances, être impressionnée de cette cathédrale de la science qui se fait de la combinaison de tant d’artisanats, tant d’expertises, de tous azimuts. C’est heureux d’avoir une petite place dans cette Humanité-là. Ce métier, ce n’est pas un métier. C’est une philosophie de vie.

Kashiwanoha, Japon, avril 2024

The Tortured Poets Department

Pour faire semblant d’être moderne, et puisqu’elle est pennsylvanienne, j’écoute le nouvel album de Taylor Swift. Musicalement, même si c’est agréable, dans une certaine retenue et bien fait, on a un peu l’impression qu’on a écouté toutes ses chansons quand on en a écouté deux. Par contre, on a beau la fustiger parce qu’elle est devenue un phénomène mondial, on ne peut pas nier le viscéral et la poésie dans son texte.

You left your typewriter at my apartment
Straight from the tortured poets department
I think some things I never say
Like, “Who uses typewriters anyway?”
But you’re in self-sabotage mode
Throwing spikes down on the road
But I’ve seen this episode and still loved the show
Who else decodes you?
[…]

I laughed in your face and said
“You’re not Dylan Thomas, I’m not Patti Smith
This ain’t the Chelsea Hotel, we’rе modern idiots”

— Taylor Swift, The Tortured Poets Department, 2024

Chaque chanson est comme une petite nouvelle, et en quelques vers elle réussit à vous propulser dans le parfum entêtant de la scène et dans une émotion qui colle et qui racle. Il n’est question que de relations folles et impossibles, d’histoires avortées et tristes, et c’est beau. Je crois même que je suis envieuse – j’aurais aimé pouvoir les écrire, les lignes de cette chanson-là, pour l’usage des mots désuets et la diction qu’ils permettent, et si c’est issu d’un vécu… qui jamais laissera une machine à écrire chez moi, et à qui pourrais-je jamais dire : “You’re not Dylan Thomas, I’m not Patti Smith / This ain’t the Chelsea Hotel, we’rе modern idiots,” c’est juste magnifique.

Séduite aussi par le rythme punchy électro de I Can Do It With A Broken Heart, et le récit de la façade à afficher pour donner le change. Je crois que c’est probablement là que l’on peut mesurer sa force : quand on sait taire toute la merde et faire ce qu’il faut faire avec le sourire. Et l’un des story-tellings les plus touchants, c’est le moment où l’on dévoile l’arrière-scène, quand, après avoir justement brillé sans se morceler un seul instant, on confie au détour d’une chanson intimiste, avec dérision, qu’on en a chié jusqu’au sang.

Je salue qu’à de tels sommets, quand on fait la pluie et le beau temps politique et économique, avec une telle pression de réussite, les regards l’attendant au tournant, qu’on réussisse à sortir quelque chose d’aussi réel, qu’elle ait su garder sa saveur.